Métriques au Liban

[Tirefond]

La suite du trajet, de Ain Fijeh à El Hame en passant par Jedeide, impose la traversée perpendiculaire de deux chaines montagneuses culminant à plus de 1 000 m alors que nous sommes à 818 m à Ain Fijeh et que nous serons à 774 m à Jedeide. Heureusement la rivière Barada a eu la force de percer ces deux chaines et la ligne va s'empresser de suivre au plus près son cours. Nous aussi.

Les trois gares sont encerclées. Distance totale : 10 km. (La flèche rouge indique la route de Beyrouth, l'ancienne, que nous avions quitté à Chtaura, dans la Bekaa, et que nous retrouvons ici, à El Hame. Elle traversait l'Anti-Liban par un tracé plus direct que le DHP, lui faisant franchir un col à environ 1350 m d'altitude.)

Entre les deux massifs montagneux se trouve une petite plaine verdoyante qui portait, vers 1900, le nom des "jardins de Bessima".

La flèche supérieure indique l'emplacement du cliché suivant, pris dans la gorge par laquelle on entre dans la plaine.

Le cliché ci-dessous montre bien la physionomie du secteur. La cluse que l'on vient d'emprunter est marquée d'une flèche rouge. La "sortie" de la plaine, par une deuxième cluse, est située en bas, à gauche du cliché.

On reconnait la ligne DHP à l'extrémité des deux flèches jaunes. Cl. Nahel Abou Hatab.

Voici le passage dans les jardins, en 1895. Les travaux de ballast sont encore en cours.

Photo prise au niveau de la flèche centrale sur la vue Google des "Jardins". Cl. BNF Gallica.

Après sa sortie des "Jardins" la ligne suit au plus près tantôt la route, tantôt la rivière dans l'ambiance verdoyante du fonds de vallée.

La fonte des neiges du mois de mai semble avoir fait sortir la rivière Barada de son lit.

Tiens ! Un tram-train !

Cl. M. Darwishah.

Nous voici à Jedeide, km 130 de Beyrouth. La gare est en bien mauvais état...

Voici un train en route pour la direction de Beyrouth.

A suivre...

[tkautzor]

La gare de Jedeïde possède bien un petit évitement, il est visible à droite sur la 2ème photo. La gare d'Aïn Fidjé possède un double évitement. Entre les deux, deux haltes: Bassima et Achrafiyé (km 126.0).

[Tirefond]

Tout à fait juste. On ne peut rien cacher à tkautzor !
Si j'avais mieux regardé (et pourtant, je les examine ces photos !), je me serais aperçu que, même sur le premier cliché, on peut voir l'aiguille, très discrète, de l'évitement :

Gare de Jedeide. Sous la flèche, une lame d'aiguille...

La voie d'évitement est encore plus nette ici, quoique cachée sous les fougères, en bas, à gauche :

Pour Aïn Fijeh l'existence d'une deuxième voie d'évitement prouve que le réseau DHP n'est pas resté figé dans l'état de sa construction, mais a su évoluer en fonction des besoins apparus au long de la première partie de son existence, tout au moins. C'est aussi le cas, je pense, pour l'ouverture de haltes supplémentaires.
L'horaire de 1914 mentionne les haltes de Madaya (entre Zebdani et El Tequieh) et de Achrafié mais celle de Bessima est absente. A-t-elle été ouverte plus tard ? Compte tenu de la géographie, un point d'arrêt aux "Jardins de Bessima" semble logique encore qu'il faille se méfier d'un raisonnement à partir des constatations d'aujourd'hui. Y avait-il autant d'habitants à cet endroit en 1910-1920 qu'il y en a aujourd'hui ?
Sur l'horaire de 1922, sur la section syrienne, rien de précisé, même pas certaines des gares qui semblent pourtant être parmi les plus importantes...
A suivre...

[Tirefond]

Il y a longtemps que la vallée est parcourue. Sous l'empereur Marc-Aurèle (Ier siècle après JC) une voie romaine y fut tracée dont un "pont romain" garde la trace près du tunnel de Souk Wadi Barada qui fut, dans l'antiquité, une ville importante. Des nécropoles subsistent dans la montagne et les cartes portent mention de "carrières romaines".

Le pont romain. Doc BNF Gallica.

Revenons à notre époque. En approchant de Damas la vallée se peuple et s'urbanise. Elle joue pour les habitants de l'oasis de Damas le même rôle que les hauteurs du mont Liban au-dessus de Beyrouth. Les damascènes se réfugient dans la vallée pour échapper aux grosses chaleurs de l'été. Les hôtels répartis dans les villages jalonnant la vallée accueillent également, jusque vers Zabdani, des touristes venus des pays du Golfe. C'est peut être aussi pour cette activité touristique que les trains photographiés par Ghyhiat Ramadan roulaient encore en 2010. Evidemment cette activité est certainement en berne à l'heure actuelle...

Tracé Jedeide - El Hame. Vue Google.

Voici une très jolie vue du train se faufilant dans la verdure près de Jedeide.

Malgré mes recherches je n'ai pu localiser la série de vues suivante qui concernent le même endroit. Comme nous approchons de la banlieue de Damas, je vais les placer ici puisque c'est toujours la même vallée et qu'une légende indique que ce pourrait être près des jardins de Bessima...

Remarquer la draisine. Je me demande si ce n'est pas le même photographe qui a pris toutes les photos où elle apparaît...

En couleur...

Ces trois vues me semblent un peu "posées" mais on ne va pas faire le difficile ! Doc BNF Gallica.

Avant qu'on entre dans la banlieue de Damas je vais également placer ici une vue que je viens de découvrir. Une PVA de 1927, très nette, qui met en scène la vallée et, je crois bien, la gare de Deir Kanun. Il est intéressant de comparer les villages de l'époque et l'urbanisation actuelle.

PVA 1927 - Pilote Lt. Dronneau - Obs. Lt. David - Doc. publié par l'IFPO.

Maintenant, direction El Hame.

Et nous y voici. Remarquer le nombre de véhicules occupant les voies.

Gare d'El Hame.

A suivre...

[Tirefond]

Je pense que vous apprécierez la splendide restauration de la gare d'El Hame. Regardez bien les bancs !
Le quai n'a pas été remis dans son état d'origine. Vu la qualité de la réfection ce n'est pas bien grave.

Un matériel nombreux et varié stationne sur des voies impeccables.

Remarquer la petite draisine jaune.

Le stationnement de tout ce matériel pourrait laisser penser que l'on se trouve en tête de ligne, d'autant plus que l'on est maintenant dans la proche banlieue de Damas et que la traversée de la ville de Damas même n'est peut être pas le plus pittoresque du parcours. Mais j'ai beau chercher, je ne vois rien qui puisse ressembler à une plaque pour tourner les locomotives. C'est d'ailleurs pareil à l'autre bout de la ligne, à Sergahya, où, sur Google, je n'arrive pas à trouver quelque chose ressemblant à une plaque malgré des débords importants...???

Il semble que l'on retrouve le convoi chargé de matériel bizarre que l'on avait vu à Deir Kanun.

Et encore une petite draisine sympathique. Je me demande si elle n'a pas reçu un léger choc à l'avant...

Quittons El Hame pour Dumar, 4 km plus loin. Nous passerons de 772 à 728 m d'altitude.

La ligne longe toujours le cours du Barada et la route de Beyrouth "historique" (Maintenant, une autoroute contourne Damas par le sud, déviant ainsi le trafic de poids lourds (beaucoup de Mercedes...) à destination de la Jordanie, ou par le nord, vers l'Irak. Tout cela, bien sur, avant le présent conflit).

A suivre...

[Ae4/7]

Incroyable, des photos d'une 031T SLM (la 805) en juin 2010, quelques mois avant le chaos en Syrie...

Merci à Tirefond pour cette revue complète de la ligne DHP et bonne année à tous

Alex

[Tirefond]

Et merci à Ghiaht Ramadan qui a l'heureuse initiative de repérer, dater et légender ses photos...
Nous voici en gare de Dumar :

Remarquer encore la draisine. J'ai bien l'impression que GH Ramadan s'est offert une ballade en draisine pour faire ses clichés. Comme d'autres semblent l'avoir fait également, 100 ans auparavant !

Voici maintenant un cliché non localisé précisément. Je trouve qu'il pourrait tout à fait représenter la gare de Dumar.

Pourquoi ? Deux raisons :
- la légende parle d'une "suburban station near Damascus". C'est tout à fait le cas pour Dumar.
- La station est surplombée par une route (ou une rue) où se tient le photographe. C'est également le cas de la station de Dumar, bordée par le remblai de la route de Beyrouth. L'arrière-plan montagneux est éloigné dans les deux cas.
Le peu d'espace entre le BV et le remblai justifie tout à fait la présence, sur le cliché ancien, d'une voie de débord à l'extérieur de la gare, ce qui semble pouvoir être validé sur les clichés récents, compte tenu de l'espace vacant sur les débords, espace que l'on peut vérifier sur Google.
Qu'est-ce qui irait contre ce point de vue ? Deux raisons principales également :
- Il y a deux constructions, accolées aux deux pignons, sur lesquelles donnent deux fenêtres (ou peut être une fenêtre et une porte, on ne voit pas bien) inexistantes sur le cliché ancien. Mais ces deux bâtiments ne sont pas du tout dans le style du BV et ont certainement été rajoutés ultérieurement.
- La présence, sur les clichés récents, de ces deux fenêtres. Mais elles ont été ouvertes ultérieurement également car elles empiètent sur le nom de la gare, ce qui ne parait pas être une disposition d'origine...

Après cette belle dissertation reprenons notre route pour Raboué, halte ou simple point d'arrêt non mentionné sur les deux horaires en ma possession.

(Dans le coin à gauche et en bas, on aperçoit le palais présidentiel et ses jardins)

La ligne continue à suivre le cours du Barada qui va encore connaître un beau défilé avant de déboucher, au pied de l'Anti-Liban, directement sur la ville de Damas, aux portes du désert.

Photo prise au point 1 de la vue Google. Train en direction de Beyrouth.

C'est le bâtiment sous la flèche qui a attiré mon attention. C'est, je pense, la maison du PN établi à ce croisement de la route de Beyrouth. Dans le cercle, on distingue la voie ferrée. La vue est prise en direction de Damas, à l'entrée du défilé.

C'est le point 2 de la vue satellite. Cl. Dloar 1992

Point 3 de la vue satellite. Train en direction de Beyrouth.

Point 4 de la vue satellite. PN sur la route de Beyrouth qui ramène la voie du versant montagne vers la rive du Barada.

Vue prise entre les points 4 et 5, avec un train en direction de Beyrouth (ce n'est pas sur).

A suivre...

[YVES]

Que devient ce sympathique petit train touristique ?

[Tirefond]

La vallée du Barada semblait, si l'on se fie aux journaux, à l'abri des combats mais la région de Zabadani, ville possédant une gare de la ligne, décrite plus haut, près de la frontière libanaise, abritait des opposants au pouvoir en place, assiégés par l'armée et le Hezbollah libanais.
Voir ici : ---> http://www.lemonde.fr/proche-orient/art ... _3218.html
La sauvegarde de cet outil touristique passe certainement au dernier plan en ce moment....
Et cette promenade un peu nostalgique, encadrée par le sujet de ce forum, sur une infrastructure ferroviaire déjà mal en point et qui aura certainement du mal à s'en sortir, ne doit pas nous faire oublier, au delà des monstrueux dégâts matériels, le désastre humain provoqué par toute guerre qui se compte désormais en centaines de milliers de morts, de blessés, de mutilés, en millions de réfugiés et d'exilés, désastre qui marquera de manière indélébile deux, voire trois générations et qui risque de ramener le développement du pays 50 ans en arrière. Hélas...

[Ae4/7]

Que devient ce sympathique petit train touristique ?

Un courte section de 3 km entre Al Rabwah et Dummar a été réactivée cette année, en traction diesel. Voir lien ci-dessous avec quelques photos.

Al Zabdani et Serghaya sont (étaient?) situés en zones de combats, comme mentionnée par Tirefond. Il est à douter que la section en amont de Dummar soit remise en service à court ou moyen terme...

http://www.drehscheibe-online.de/foren/ ... sg-7393971

A+

Alex

[tkautzor]

Après la fermeture pour construction de gare souterraine de la gare de Damas-Kanawat, la gare d'El Hamme servait de base pour les trains touristiques. Au moins jusqu'en 07/2014 tout le matériel "historique" en service sur cette partie de la ligne était toujours garé là-bas.

Le dernier train charter en 2010 était me semble-t'il pour les britanniques de RTC.

Le tout récent échange de territoires entre le gouvernement et l'opposition armée par l'entremise des Nations Unies comprends également le quartier de Qadam à Damas. Bien que les ateliers du CFH se trouvaient déjà aux mains du gouvernement, ceci renforce son contrôle sur ceux-ci.

[Tirefond]

@ Ae4/7 : Merci pour ces précisions.
@ tkautzor : C'est bien ce qu'il me semblait deviner au vu du matériel stocké. Mais ça ne résout pas mon (petit) problème sur le retournement des locos...

Les quatre clichés suivant sont pris à différentes époques, presqu'au même endroit de l'ancienne route de Beyrouth et au point 5 de la vue satellite précédente. Elles sont toutes prises dans la direction de Beyrouth.

Années 25-30, je pense.

Fin des années 60.

2014 - Cl. Yahia Abo A Sali

2012 - Cl. Yahia Abo A Sali

Et nous arrivons à Raboué dont il ne semble pas exister de trace actuelle ou photographique d'un BV. Il y a pourtant un évitement.

Toujours la draisine...

Je place ici le cliché non localisé de la pose du dernier tirefond de la ligne le 25 juin 1895.

Doc. BNF Gallica

Nous sommes maintenant en pleine banlieue de Damas, développée selon un plan moderne, dans les années 80-90, le long de larges avenues et de rocades autoroutières.

La flèche désigne le pont tout neuf jeté au-dessus d'une voie rapide, objet de la photo ci-dessous.

Il y a une volonté évidente de conserver la ligne. Cl. Fadi Salem de 2009.

Bien sur, en 1929, date de la carte du Service Géographique de l'Armée, présentée ci-dessous dans son ensemble, la taille de la ville de Damas était plus modeste. Les lignes ferroviaires étaient établies en bordure de la zone urbaine, y compris la gare de Kanawat, tête de ligne du CdF du Hedjaz.
Pour comparaison, j'ai indiqué par une flèche bleu l'emplacement approximatif du pont ci-dessus.

Voici maintenant une vue plus rapprochée permettant de localiser les gares de Baramké, Kanawat, Midan et Cadem.

On remarque bien, en gare de Midan, ancienne gare DHP, l'amorce de la ligne de Muzeirib, déferrée en 1915 par les Turcs, ainsi que le raccordement, maintenant interrompu et formant triangle, avec les voies du Hedjaz en gare de Cadem.
A suivre...

[tkautzor]

Les locos n'étaient pas retournées à El Hamme, elles circulaient seulement "dans le bon sens" en direction frontière libanaise.

Pour ce qui est des petites draisines jaunes, elles ont été construites en Russie (Muromteplovoz) en 2005. Il y en avait au moins huit (ACT-2-001 à 008), ainsi que huit remorques plates (NCT-1-001 à 008).

[Tirefond]

OK pour le non-retournement des locos et les draisines. En ce qui concerne celles-ci, il est vrai que l'URSS était un gros fournisseur de la Syrie et la Russie a pris la suite...
Nous arrivons maintenant à Damas...

...dans notre wagon de 3ème :

Photo stéréoscopique de la "Stereo Travel § Co" intitulée : "voiture de troisième classe du train du Sultan".
On ne doit pas être très éloigné des conditions de transport sur le DHP en 1895.

Nous voici arrivé en gare de Damas-Baramké. Elle dessert des casernes ce qui explique la présence de militaires sur le quai.

Années 20, certainement.

J'ai essayé de reconstituer le tracé de la ligne dans le Damas actuel à partir d'un jeu de 3 cartes différentes. Si l'on se fie aux cartes, il semble que le tracé a pu être modifié.

Damas 1929. Les gares de Baramké et du Hedjaz sont encerclées. La ligne est entièrement établie sur la voirie.

Damas centre. Sans date mais plus récente. La flèche indique le raccordement du DHP donnant un accès direct à la gare du Hedjaz.

Damas centre 1958 - L'emplacement de la ligne ne semble plus emprunter les mêmes rues.

Sur cette vue Google j'ai donc supposé, en rouge, les tracés successifs. Le 1 apparait sur la carte de 1929, le 2 sur celle de 1958.
Au carrefour du square Al Jehad le DHP rejoint le CdF du Hedjaz, en bleu. Les deux lignes se dirigent ensuite de concert vers les gares de Midan et de Cadem.

Damas - Carrefour du square Al Jehad.

Damas - Carrefour du square Al Jehad. Cl. Rostamdalila

A suivre...

[tkautzor]

Oui, l'industrie ferroviaire de l'URSS a fournie les CFS en locos diesel à VN:
- 12 TEM2S de Brajnsk en 1972-74 No. LDE-1200-001-012 (manoeuvres);
- 80 TE114S de Voroschilovgrad en 1974-75 No. LDE-2800.201-280 (marchandises);
- 30 TE114S de Voroschilovgrad en 1982-85 No. LDE-2800.401-430 (voyageurs).

Mais en même temps, les CFS achetaient également 30 locos GE américaines (pour être sûre d'avoir quelque chose qui fonctione?). Par la suite se seront 30 Prima de chez Alsthom (1999-2001) et 10 rames diesel Coréenne de 5 unités en 2006. Dés 2003, un grand nombre de LDE-2800 ont été remotorisées par GE.

Pour la voie métrique, pas de locos Soviétiques ou Russes, mais cinq diesels Roumaines et six autorail hongrois (dont les qualités a assuré la longue survie des locos à vapeur), ainsi que deux locotracteurs Schöma pour les manoeuvres et des draisines Robel.